David Haefflinger 

Wangsit : Les révélations de Java présente une jeunesse javanaise résistante, qui preserve et réinvente ses pratiques culturelles face à l’occidentalisation du pays. Dans les grandes villes comme Jakarta, ces traditions sont souvent jugées « campagnardes » ou dépassées, mais dans plusieurs régions rurales, elles restent un repère identitaire majeur. Le projet traverse différents territoires culturels comme Ponorogo, Cirebon, et Banyuwangi, où ces pratiques demeurent particulièrement actives. La préparation, les rôles rituels, la transe et l’organisation collective montrent comment ces jeunes défendent un héritage en érosion. Wangsit raconte l’histoire d’une génération Z qui ne cède pas à la pression sociale des villes et continue de tenir sa place, avec détermination, fierté, et un sens aigu du combat culturel.

Mon approche repose sur une immersion menée aux côtés de danseurs, pawang (chamanes), familles et garants culturels. Le projet a débuté en janvier 2025 par un travail de recherche à Paris avant trois mois de terrain au coeur des villages de Java où ces pratiques restent vivantes. J’y ai observé non seulement les performances, mais aussi les coulisses, les préparatifs, les états de transe, les moments d’attente et les dynamiques de groupe, qui racontent autant que les scènes rituelles elles-mêmes.

Le traitement visuel repose sur un travail approfondi de l’ombre, du clair-obscur et de la texture. La richesse chromatique de l’environnement culturel de Java devient un “outil de révélation”. Il me permet de sculpter les noirs et les blancs avec précision et intention, et de rendre perceptibles la tension, la poussière, l’effort, la fatigue et la charge rituelle qui traversent les scènes. J’alterne images prises sur le vif et portraits posés pour rendre compte de la fierté avec laquelle ces jeunes assument leurs rôles, leurs costumes et leur héritage.

Photographier la transe implique une responsabilité éthique : respecter les protocoles, demander l’accord des officiants, et éviter toute mise en spectacle d’un moment vulnérable. Mon intention est ici de montrer comment ces pratiques constituent un langage identitaire, un lieu où la jeunesse apprend à se souder, à se transmettre un rôle, une histoire.